Dialogue social et dialogue professionnel en entreprise : Quels « dialogues » en entreprise aujourd’hui ?
Les mondes du travail, des entreprises et des organisations ont connu des bouleversements majeurs ces dernières années. Les ordonnances « Macron » de 2017, les dispositifs de « crise » lors de la pandémie ou encore la mobilisation contre la réforme des retraites ont profondément changé la donne et bousculé les acteurs sociaux dans leurs pratiques comme dans leurs représentations de la démocratie sociale. Sur le terrain, le dialogue social et le dialogue professionnel, deux piliers historiques des relations professionnelles, se recomposent.
Cet atelier a proposé de saisir, à partir des expériences de chacun·e, ces évolutions concrètes en interrogeant notamment les nouvelles articulations entre dialogue social et dialogue professionnel – et en explorant, si possible, les nouvelles voies du dialogue en entreprise. En 2 temps:
Présentations
L’atelier a été introduit par 3 présentations synthétiques:
Jean-Marie Charpentier, consultant et administrateur de l’Afci ( Association française de communication interne),
La fonction RH apparait de plus en plus éloignée du terrain. Elle est « sur le toît », disent certains experts. Dans ce contexte de pilotage RH délétère où la proximité est problématique, comment s’articule le dialogue social et le dialogue professionnel ?
Frédéric Rey , sociologue du travail et des relations professionnelles et maître de conférences en sociologie au Conservatoire National des Arts et Métiers (Cnam)
Où en est le dialogue social ?
Les « règles du jeu » au fondement de la démocratie sociale (JD Reynaud) forgée au 20° siècle sont nées de l’évolution du rapport de forces créé au fil des luttes sociales.
Le tournant néo-libéral des années 1980 a eu pour conséquence une fragilisation du système des relations professionnelles et sociales, même si la novlangue managériale naturalise cette évolution. Les ordonnances dites Macron ont fragilisé encore plus l’édifice créé.
Jacques Viers, consultant formateur et administrateur de l’APSE a
Le dialogue professionnel en questions
De nombreuses enquêtes, conduites notamment par les chercheurs en sciences de gestion (M Detchessahar), les sociologues, les psychologues du travail et les ergonomes, font remarquer que les managers de proximité, en charge d’animer le dialogue professionnel sur le travail sont « occupés ailleurs » notamment pour alimenter les machines de gestion ou dans des groupes de réflexion loin du terrain. Ils perdent ainsi une bonne partie de leur autorité et sont disqualifiés aux yeux des opérateurs de terrain pour engager un dialogue fructueux sur le travail réel. Il est pourtant nécessaire, en dégageant les managers de proximité de certaines activités, que ceux-ci reviennent sur le terrain. Les opérateurs les réclament pour les aider à hiérarchiser les priorités. Il faut mettre en place, disent certains, des espaces de discussion sur le travail à tous les niveaux de la hiérarchie. Une véritable ingénierie de ces espaces doit être mise en place. Des exemples de mise en œuvre existent dores et déjà.
L’atelier thématique « dialogue social et dialogue professionnel en entreprise » a été ouvert à l’APSE par une conférence débat avec Baptiste Giraud consacrée à « Quel syndicalisme en France aujourd’hui ? », le 9 décembre 2021, prolongé depuis par un cycle de conférences et d’entretiens avec entre autres Rémi Bourguignon, Michel Lallement, Arnaud Stimec, Benoît Gautier… qui se poursuit en 2024.
Travaux en sous-groupes
Trois sous-groupes ont ensuite échangé sur les trois questions suivantes :
Quelles formes prend le dialogue social en entreprise aujourd’hui ?
Quelles places pour le dialogue professionnel ? Quels liens avec le dialogue social ?
Quelles perspectives, quels futurs possibles pour la démocratie sociale en entreprise ?
Ils ont ensuite restitué les points saillants de leurs échanges, plusieurs grandes remarques ont été faites par les 3 sous-groupes :
- La mise en œuvre des deux types de dialogue (professionnel et social) dépend des secteurs économiques. Il existe de fortes cultures de dialogue social dans certains secteurs (fonction publique : une tradition de routine). Dans d’autres (le secteur associatif, l’ESS), c’est le dialogue professionnel qui domine. Dans les PME, les deux types de dialogue sont très liés à l’entreprise. La taille des entreprises est déterminante. Quel est le pouvoir d’agir des salariés dans un grand groupe (face aux pouvoirs du dirigeant) et dans une PME ?
- S’agit-il d’un vrai dialogue ? Celui-ci suppose une égalité entre les parties qui n’existe dans aucun de ces types de dialogue.
- Le dialogue professionnel devrait être continu « Je suis manager, nous travaillons ensemble, nous parlons ».
- Le principe de subsidiarité est important.
- Les managers de proximité doivent être les artisans du dialogue professionnel.
- Comment un dialogue égalitaire peut-il exister quand on considère l’une des parties comme des « ressources » humaines.
- Le dialogue sur le long terme doit être instauré pour les nouvelles générations.
- Les formations communes destinées aux managers et aux syndicalistes sont sans doute une bonne idée, mais ça ne marche pas.