Télétravail et travail hybride : Quels enjeux, quels défis et quelles mutations dans l’organisation du travail ?

Nul ne contestera plus aujourd’hui que la crise sanitaire a eu l’effet notable de modifier les modes de travail dans les organisations, au moins ponctuellement. Si le télétravail se développe depuis les années 1970 de façon variable selon les pays, une adoption rapide et massive de ces usages a pu être observée à partir de 2020.

Le télétravail et le travail hybride touchent de nombreuses dimensions du travail, comme l’usage des technologies numériques, la charge de travail, le travail collectif, les relations de travail et managériales, le lien social, le rééquilibrage entre vie professionnelle et vie personnelle…Cet atelier a permis d’échanger sur les enjeux, défis et mutations du télétravail.

Présentations

L’atelier est introduit par

Anne Gillet, sociologue du travail, des organisations et de l’entreprise. Elle est chargée de recherche au Conservatoire national des arts et métiers au laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (Cnam,Lise-CNRS). Ses principales recherches portent sur le travail et ses transformations, l’encadrement de proximité, les collectifs de travail, le travail à distance, les risques et la santé au travail, les recherches partenariales et collaboratives.

Frank Nottin , consultant et formateur en management et dirige le cabinet lyonnais Longitudes Consultants spécialisé dans l’accompagnement au changement des organisations. Il s’appuie sur la sociologie du travail, des organisations, et d’intervention et sur les sciences de gestion, ainsi que sur ses 25 ans d’expérience de management acquise dans des groupes français et étrangers de grande distribution.

Luc Badier, accompagne des dirigeants, des managers et des salariés dans l’exercice de leurs métiers, dans leurs relations et leur rapport au travail. Sa pratique s’appuie sur la sociologie des organisations, la psychosociologie et la sociologie clinique, ainsi que sur son expérience de management acquise durant 15 ans en entreprise.

qui ont abordé quelques question soulevées par le télétravail:

  • Trois ans après la pandémie, quel est le panorama du télétravail et du travail hybride en France ? Quand des grands patrons imposent et médiatisent un retour au présentiel généralisé, d’autres tentent de composer avec les acquis technologiques et organisationnels hérités de changements réalisés parfois dans l’urgence.
  • Que reste-t-il des nouveaux modes de travail imposés par la situation internationale de 2020 ? Qui sont les travailleurs concernés pour qui le télétravail est-il devenu une réalité (pérenne) ? Quelles différences ou inégalités émanent des nouveaux modes de travail ?
  • Quels enjeux et défis apportent le télétravail et le travail hybride dans les organisations d’aujourd’hui et pour les divers travailleurs ?
  • Si des accords ont été mis en place dans les entreprises, sous l’impulsion des institutions représentatives du personnel, de la direction générale ou de l’ensemble des parties prenantes, répondent ils (encore) à toutes les problématiques organisationnelles et culturelles soulevées par le télétravail et le travail hybride ?

Nous avons également eu une présentation, par l’un des directeurs de rédaction, d’un ouvrage collectif (en anglais) sur la montée et la diffusion des pratiques de coworking (Gerhard Krauss, Diane-Gabrielle Tremblay).

L’atelier thématique « télétravail et travail hybride » a été ouvert à l’APSE lors du café socio « Ce que le covid fait au télétravail », qui a réuni 100 professionnels le 11 juin 2020 et auquel a notamment participé Franck Nottin,

l’APSE a réalisé 2 podcasts à la suite du numéro 43 de la revue Sociologies Pratiques sur le télétravail en 2022 : https://web.apse-asso.fr/ressources/mediatheque/entretien-pour-une-sociologie-du-teletravail-ancree-dans-les-organisations/ et https://web.apse-asso.fr/blog/videos-apse/entretien-la-reappropriation-a-distance-des-espaces-dechanges-informels/

Travaux en sous-groupes:

Après quelques échanges et questions/réponses avec la salle sur les différents sujets, nous avons réparti les 25 participants en sous-groupes, en leur demandant de travailler respectivement sur les enjeux, les défis et mutations du télétravail.

Ils ont ensuite restitué les points saillants de leurs échanges. Les participants de l’atelier ont relevé

Enjeux

  • L’organisation du travail va-t-elle soutenir une dynamique collective ou non. Un premier enjeu est le cadre organisationnel – le soutien des dynamiques collectives et individuelles.
  •  Processus de régulation : développer les inventivités, observer un travail réel déjà dur, mais comment le saisir quand il n’est plus visible ? Compétences -> tout se joue au résultat ? Comment l’encadrant observe ça et quel est l’enjeu de l’activité concrète ? Quid du travail en santé ?
  •  Enjeu organisationnel : administration 120 jours par an / 3 j par semaine : inversion de situation avant covid. Avant, qu’est-ce que le télétravailleur peut faire chez lui, et maintenant, que faire sur site ?
  • Questions sous-jacentes : que faire ensemble ? Constat d’une certaine liquidité. Comment s’ajuster ?
  • Les transports en Ile de France et grande métropole : enjeu temps / lieu.

Défis

  • Le télétravail arrive avec l’outil, on est tous différemment à l’aise avec les outils ?
  • Arrivée d’une génération slash papa/travail/perso. Vie privée/vie perso comment équilibrer la balance, mais on met de plus en plus de poids.
  • L’Accélération
  • Qu’est-ce que cela change pour le télétravailleur d’être en télétravail. Cela peut être différent de ce qui change pour l’organisation ?
  • Le défi, c’est comprendre ce qui se passe pour la personne…
  • Les tensions entre travail en autonomie et travail collectif : problème pour ceux qui font et ceux qui font faire.
  • Si je ne vois pas des gens, comment je fais collectif, quid de l’apprentissage ?
  • Pour les jeunes générations qui sont entrées au travail pendant le covid, c’est normal, mais pas forcément souhaité.
  • Le sens de revenir sur le lieu de travail n’est pas évident pour tout le monde.
  • L’individualisation des conditions du travail pose des problèmes.
  • Des activités ne s’y prêtent pas du tout -> réflexion sur quelles sont les activités « télétravaillables ». On se pose plus la question.
  • Le paradis des planners.
  • Le traitement des inégalités.
  • Le défi écologique.

Mutations

  • Quelles sont les activités de demain qui vont être fortement impactées (hormis la visio) ? Est-ce que qu’on va rester sur des relations « bureautiques » ? Ou bien un chirurgien opèrera-t-il à cœur ouvert devant son bol de Nesquik ?
  • La question de l’indépendance et de l’autonomie -> injonction à être l’entrepreneur de soi-même, l’entreprise ne va-t-elle pas se dissoudre d’elle-même ?
  • Quid du salariat ?
  • Quid du futur concernant la relation à l’employeur : attachement à au collectif ou à une marque ? Quelle est la nature de l’attachement ? Quid de « l’attachement » (cf S Paugam).

« Après avoir expérimenté le 100% sur site pendant des décennies, puis le 100% à distance dans un contexte particulier exacerbant les risques dont le télétravail est porteur, reste à stabiliser ce travail hybride qui n’en est encore qu’à ses débuts. »Suzy CanivencLes conditions d’un télétravail durable, porteur de performance pour les entreprises et de bien être pour les salariés, Article, Novembre 2021

Dans de nombreuses entreprises, le télétravail est non seulement plébiscité par les travailleur·ses, mais il est aussi reconnu comme une orientation d’avenir à travers la mise en place d’un « travail hybride », organisé entre travail en présentiel et télétravail à temps partiel. Suscitant des configurations professionnelles inédites, le télétravail interroge de nombreuses dimensions du travail en lui-même, collectives et individuelles, mais aussi vis-à-vis de la vie personnelle et familiale et des rapports de genre qui s’y jouent. »Anne Gillet et Diane-Gabrielle Tremblay, « Dynamiques et effets du télétravail », SociologieS, Dossiers, juin 2023.