Nouvelles formes de travail et de management : Quelles mutations du monde du travail interpellent les pratiques de management ? 

En 2003, déjà, dans un ouvrage titré Pourquoi j’irais travailler ?, les auteurs, dont le sociologue Renaud Sainsaulieu, se demandaient sur quels ressorts agir pour « attirer, intégrer et fidéliser » et l’on soulignait alors la naissance de services de pressing, de garde d’enfants ou la mise à disposition d’ordinateurs portables (Eric Albert et Allii, Pourquoi j’irais travailler ?, Eyrolles, 2003, p. IX).

Vingt ans plus tard, qu’il y a-t-il de neuf ? Ou de vraiment neuf ? Et quelles conséquences pour le management et ses multiples déclinaisons concrètes ? Grande « démission » ?

Pour répondre, les outils de la sociologie de l’entreprise fournissent des cadres de compréhension et des ressorts pour l’action tout à fait pertinents, cet atelier a proposé de les partager en 2 temps :

Présentations

L’atelier est introduit par Philippe Pierre et Blaise Barbance:

Philippe Pierre est conférencier, formateur, coach, docteur en sociologie de Sciences po Paris, consultant et accélérateur de talents (intergénérationnel, gestion des talents, performance des équipes diversifiées, mobilité des cadres, leadership et universités d’entreprise).

Blaise Barbance est délégué à la vie associative de l’APSE, en mécénat de compétence avec Groupama, Il promeut l’utilisation concrète de la sociologie dans les organisations.

La grande majorité des entreprises et organisations publiques ou privées peinent à trouver des candidates et des candidats. Elles disent faire face à des difficultés de fidélisation rarement connues sur les trente dernières années (En moyenne, une offre d’emploi attire désormais moins d’un candidat alors qu’ils étaient 2. 60 à se manifester en 2021.  42% des moins de 35 ans envisagent même de démissionner dans les 12 prochains mois).

Alors que le travail a, pour la plupart d’entre nous, constitué le socle, voire le sens majeur de l’existence, il semble ne pas en être de même pour des personnes qui ont envie d’avoir plusieurs vies professionnelles à vivre en même temps ou de « sortir du système ». 

Le « travail » ne serait plus aussi central dans nos vies. Il serait moins notre carte d’identité principale !

Le modèle culturel d’organisation du travail que nous nommons de la « loyauté » (hiérarchique/ pyramidal/ de long terme) est attaqué par celles et ceux qui doutent ouvertement de sa valeur. La recherche d’employabilité en « réseau » et des carrières en « archipel » ne cessent de gagner du terrain chez les jeunes (les « slasheurs » notamment) mais aussi les moins jeunes qui ont pu réviser leurs trajectoires de vie – pendant et après – les temps de sidération de la Covid-19.

Pour beaucoup, et depuis longtemps, l’entreprise est devenue « mortelle » et faire son travail ne suffit plus pour se garantir un avenir. Si personne ne me protège, pourquoi s’investir autant au travail et dans un temps de « loisirs » qui prête à caution ?

Le thème des nouvelles formes de travail et de management est récurrent à l’APSE, il est notamment le sujet d’un cycle annuel de conférences organisées par l’APSE avec l’université Aix-Marseille, le LEST et l’Iméra. En 9 saisons, une trentaine d’auteurs sont venus à Marseille, certains podcasts sont accessibles sur la médiathèque APSE : https://web.apse-asso.fr/category/ressources/mediatheque/ et le programme 2023-24 peut être consulté ici : https://web.apse-asso.fr/blog/conferences-debats/cycle-de-rencontres-debats-2023-2024-a-marseille-les-nouvelles-formes-du-travail/

L’observatoire des thèses autour de la sociologie en entreprise réalisé en 2023 par l’APSE nous a permis d’identifier 60 thèses sur des sujets managériaux transverses, y compris dans le secteur public et l’ESS qui illustrent la diversité des travaux qui combinent souvent les approches gestion et SHS : https://web.apse-asso.fr/blog/livres-et-publications-diverses/observatoire-des-theses-autour-de-la-sociologie-de-lentreprise/

Travaux en sous-groupes

Les participants ont ensuite échangé en sous-groupes autour de trois questions : 

  • Comment a évolué, selon vous, le rapport à l’autorité au cours des dix dernières années en entreprise et en organisation ? 
  • Quelle est la pratique managériale que vous connaissez et qui vous semble utile ?
  • Quels sont les travaux que l’APSE devrait/pourrait conduire et en mettre en partage sur ces thèmes ? 

Ils ont ensuite restitué les points saillants de leurs échanges. Les participants de l’atelier ont pu souligner

  • la recrudescence des « bullshits jobs » avec l’effacement du travail réel et la nature de l’autorité qui perd ses fondements. 
  • Une crise de vocation du premier niveau d’encadrement. Avec nous mais isolé dans l’équipe. 
  • L’enjeu de créer des espaces de discussion des règles. Manager, cela revient à créer des espaces de paroles pour s’entendre dire des choses que l’on n’a pas envie d’entendre ! 
  • C’est le pacte social des 30 glorieuses qui est affecté : surinvestissement contre ascension sociale et bien-être généralisé. 
  • Partout, on constate une dégradation des relations de travail, des formes de solitude et d’épuisement. Mais les participants de l’atelier ont pu souligner l’importance du contexte culturel et organisationnel. Il n’est pas d’acte de management qui ne soit pas situé culturellement.